« Les pays riches vaccinent une personne chaque seconde alors que la plupart des pays les plus pauvres n’ont pas encore administré la moindre dose. » Ce 11 mars, l’appel de Paris lancé par un collectif d’organisations, de médecins, de chercheurs, de scientifiques, d’artistes donnaient une conférence de presse pour protester contre le blocage des vaccins dans les pays pauvres.
« Pourrait-on breveter le soleil ? » avait interrogé en 1914, Jonas Salk, biologiste américain, inventeur du premier vaccin contre la poliomyélite, maladie terriblement meurtrière, notamment chez les enfants. Il avait renoncé à le breveter pour qu’il soit abordable aux dizaines de millions de personnes dans le monde qui en avaient besoin. Il a renoncé par la même occasion à des milliards de bénéfices. Pour les initiateurs de L’appel de Paris, il s’agit d’en faire de même pour les vaccins anti-Covid. Il en va de la simple justice humanitaire, mais aussi de l’intérêt sanitaire de l’ensemble des nations.
Cent pays en voie de développement ont demandé à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) la levée des monopoles des grands laboratoires pharmaceutiques pour permettre une production plus massive de vaccins anti-Covid19 et faire face aux besoins de vaccinations partout dans le monde.
Malgré les engagements de l’OMS, les pays pauvres ne pourront au mieux vacciner que 3 % de leur population d’ici l’été, et à peine un cinquième d’ici la fin de l’année.
Pour dénoncer cet état de fait une Initiative Citoyenne Européenne a été lancée. Pétition à l’échelle européenne, cette ICE, si elle parvient à recueillir 1 million de signatures, contraindra la Commission Européenne à faire des propositions pour combattre cette injustice sanitaire. Cela pourra peser sur l’Organisation Mondiale de la Santé où les principaux pays riches, États-Unis, Royaume Uni, France, Allemagne, bloquent la demande de levée des brevets. Plus de 100.000 citoyens européens ont déjà signé cette pétition. Vous aussi soutenez ce combat pour une plus grande démocratie sanitaire !
« L’Appel de Paris » ce 11 mars vise à sensibiliser la population sur l’importance de la démocratisation de ces vaccins. Il est scandaleux que les lobbies des grands laboratoires pharmaceutiques aient le contrôle exclusif de ces vaccins pour le plus grand profit de leurs actionnaires au détriment de nombreuses vies humaines. Et encore plus scandaleux qu’ils aient ce monopole grâce aux milliards de subventions publiques qui leur ont permis de développer ces vaccins !
On ne peut lutter contre une pandémie sans se préoccuper du reste du monde. La riposte doit être mondiale, et au rythme où apparaissent les variants, il y a urgence à vacciner pour stopper l’emballement des contaminations. Des pays comme le Soudan du Sud, le Yémen et le Malawi ont connu une explosion du nombre de cas ces derniers mois. Au Malawi, l’arrivée du variant sud-africain a provoqué une augmentation de 9.500 % du nombre de cas.
Pour freiner la pandémie, la seule solution connue suffisamment efficace aujourd’hui, c’est la vaccination et celle-ci est inutile si elle ne se fait pas à l’échelle mondiale.
Aussi, pour Carlos Parada, médecin-psychiatre franco-brésilien, « il faut la réquisition de toutes les forces publiques de la planète. » Même appel de la part de Cécile Duflot directrice générale d’Oxfam, « il y a nécessité d’une solidarité absolue, il faut changer de modèle pour pouvoir lutter efficacement contre la pandémie. »
Le Dr Richard Benarous, ancien directeur du département Maladies Infectieuses de l’Institut Cochin, rappelle que « la séquence du virus a été identifiée grâce à la recherche publique de nombreux chercheurs du monde entier. Cette séquence est donc une ressource publique mondiale qui ne doit pas être privatisée et les vaccins qui en sont issus sont aussi un bien public mondial. » Pour le Dr Benarous, la technologie était déjà présente mais on manquait d’argent pour la mettre au point. Cette mise au point des vaccins a été faite grâce à l’argent public, il n’est donc pas acceptable que ce « bien public mondial » des vaccins soit confisqué par les laboratoires pharmaceutiques. « Les médecins sont en première ligne, ils savent le nombre de morts et le nombre de personnes en réanimation que l’on pourrait éviter. »
« C’est une question d’urgence, et d’éthique » alerte avec la même véhémence Françoise Ney, coauteure de la pétition « Brevets sur les vaccins anti-Covid, Stop réquisition ! » « Il faut stimuler partout la production locale de vaccins pour faire face à la pandémie. »
Car « aujourd’hui la demande est plus forte que la production » explique Lucas Chancel, économiste, codirecteur au laboratoire sur les Inégalités Mondiales à l’Ecole d’économie de Paris, enseignant à Sciences Po. Maintenir l’obligation des brevets « est un non-sens pour notre sécurité sanitaire » dit-il, rappelant la même erreur commise il y a quelques années pour lutter contre le Sida. « Beaucoup de temps et de vies ont été perdus à cause des intérêts dictés par les actionnaires des laboratoires. »
« L’histoire menace de se répéter dans de nombreux pays d’Afrique » alerte l’ONG Oxfam. « Des millions de personnes sont mortes au début des années 2000 car les monopoles pharmaceutiques avaient fixé le prix de leurs traitements efficaces contre le VIH/sida à des niveaux inaccessibles pouvant atteindre 10.000 dollars par an »… Heureusement, les monopoles ont pu être renversés permettant la production de traitements plus abordables. Mais combien de vies ont été sacrifiées avant que cela ne soit possible ?
Même type de comportement face au virus Ebola, où « il a été décidé de ne pas fabriquer de vaccins car c’était une maladie-type de pays pauvres sur lesquels il n’y avait pas de marché »… dénonce le Dr Franck Prouhet médecin généraliste, coauteur de la pétition « Brevets sur les vaccins anti-Covid, Stop réquisition ! » Et Laurent Ziegelmeyer, représentant de la CGT Sanofi de rappeler que les subventions publiques versées aux laboratoires sont de l’ordre de « 12 milliards d’euros, soit deux siècles de ce que rapporte le Téléthon ! Il faut changer les règles du jeu et changer ceux qui les fixent ! »
De nombreux intervenants posent le débat non pas du partage, mais carrément de la levée définitive des brevets, face à un monde qui va de plus en plus subir l’assaut des pandémies. « La question est est-ce qu’on finance la recherche ou est-ce qu’on finance le profit des actionnaires ? » interroge Sylvie Larue, responsable de Cerises, une coopérative citoyenne, « il faut se donner les moyens de préparer le monde d’après. »
La Covid19 a déjà provoqué la mort de plus de deux millions et demi de personnes dans le monde. Et la plupart des pays n’ont pas de moyens de lutte. Il y a là non seulement une injustice horrible d’un point de vue humanitaire, mais il y a aussi un danger à se laisser déborder par la pandémie qui, jusqu’ici, malgré tout, a été « contenue ». Si elle devait se propager davantage, les conséquences sanitaires, mais aussi économiques et sociales seraient catastrophiques.
Partout dans le monde, existent des sociétés compétentes pour produire ces vaccins pour peu qu’on leur cède le droit à le faire. Pour cela, l’Appel de Paris réclame une suspension à l’échelle mondiale des brevets afin que partout où c’est nécessaire, la production de vaccins puisse se faire.
Signez, faites signer l’Initiative Citoyenne Européenne ! noprofitonpandemic.eu/fr/ •